Sahara occidental: la soudaine volte-face de l’Espagne
La visite du Premier ministre espagnol, M. Pedro Sanchez, au Maroc, les 9 et 10 avril 2022, a marqué une nouvelle étape dans les relations entre les deux pays. Cette visite acte, par ailleurs, le ralliement de l’Espagne sur la position marocaine concernant le Sahara occidental.
Le Sahara occidental, un territoire convoité
Dès 1884, le Sahara occidental a été placé sous le joug de l’Espagne. Ce territoire bénéficie d’une large façade maritime, abondante en ressources halieutiques et d’un sous-sol riche en phosphates.
Les Accords de Madrid (1975) intervinrent afin de régler la question du retrait définitif de l’Espagne. Ces Accords ont également institué la partition du Sahara occidental entre le Maroc et la Mauritanie.
Toutefois, un mouvement de libération nationale, le Front Polisario, vit le jour sur ce territoire et proclama la souveraineté sur celui-ci. La République arabe sahraouie démocratique (RASD) fut proclamée en 1976. Le Front Polisario et le Maroc se sont opposés frontalement, jusqu’à la signature d’un cessez-le-feu en 1991, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Cependant, ce cessez-le-feu n’est pas respecté.
L’auto-détermination des peuples ou l’autonomie ?
L’ONU a classé le Sahara occidental en tant que « territoire non-autonome », c’est-à-dire un « territoire dont la population ne s’administre pas encore complètement par elle-même » (article 73, chapitre XI, Charte des Nations Unies). Cela a permis l’ouverture de la question de l’auto-détermination, qui doit permettre au peuple sahraoui de décider de son avenir. Or, à ce jour, ce vote n’a pas eu lieu. L’auto-détermination est également le moyen, pour le peuple sahraoui, de se prévaloir des droits exclusifs sur les ressources naturelles de ce territoire.
L’ONU a déclenché une opération de maintien de la paix au Sahara, la Mission des Nations Unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (MINURSO). Elle joue le rôle de force stabilisatrice au Sahara occidental. Staffan de Mistura, diplomate italien, est l’envoyé personnel du secrétaire général des Nations Unies sur place et conduit les négociations entre les parties prenantes.
La RASD est reconnue par de nombreux Etats et fait partie des Etats membres de l’Union Africaine (UA). Cette adhésion avait d’ailleurs conduit au départ du Maroc de l’UA, avant sa réintégration en 2017.
Par un avis consultatif de 1975, la Cour internationale de justice (CIJ) avait reconnu des liens historiques et juridiques entre les populations marocaine, mauritanienne et sahraouie. Toutefois, pour la CIJ, cela n’était pas un obstacle à l’organisation d’un référendum d’auto-détermination du peuple sahraoui.
Pour sa part, le Royaume chérifien propose une « initiative de large autonomie » pour la région du Sahara. Ce projet prévoit un partage des compétences entre le Maroc et le Sahara occidental. Ainsi, Rabat conserverait les principales prérogatives régaliennes, tout en laissant une marge de manœuvre aux Sahraouis dans la gestion de leurs affaires économiques, sociales et culturelles. L’autonomie marocaine prévoit également l’établissement d’une solidarité en matière de développement. Enfin, le Sahara bénéficierait de son propre parlement, d’un gouvernement autonome et d’une représentation au parlement national.
Pour le Maroc, il s’agit là du seul cadre de négociation conduisant à une solution mutuellement acceptable. Cette position est majoritairement partagée au sein de la population marocaine, tout comme parmi les partis politiques.
Le revirement espagnol
Ce changement de position de l’Espagne intervient après plusieurs mois de tensions diplomatiques avec le Maroc. La visite de M. Pedro Sanchez marque un tournant, alors que Madrid avait toujours prôné la neutralité concernant le Sahara occidental. Pour lui, c’est « une nouvelle étape dans [la] relation avec le Maroc » (communiqué du gouvernent espagnol). Ce changement a fait l’objet de vives critiques en Espagne.
La contrepartie de ce ralliement semble être une gestion plus drastique des migrants tentant de rejoindre Ceuta et Melilla, les deux enclaves espagnoles au nord du Maroc. De plus, la réouverture des frontières entre ces deux enclaves et le territoire marocain vient d’être récemment acté.
Dans ce dossier, le Maroc a bénéficié du soutien des Etats-Unis, notamment sous la présidence de M. Trump, qui avait reconnu la « marocanité » du Sahara occidental. M. Blinken, actuel secrétaire d’Etat américain, a renouvelé son soutien au plan marocain d’autonomie. Israël a également apporté son soutien au Maroc, dans le cadre de la normalisation des relations diplomatiques entre ces deux Etats.
Réactions du Front Polisario et de son principal allié
La réaction du Front Polisario a été immédiate : une rupture de tout contact avec le gouvernement espagnol a été décidée. Cette rupture perdurera jusqu’à ce que le « gouvernement espagnol se conforme au droit international » (communiqué Front Polisario).
L’Algérie, premier soutien de la RASD, a qualifié ce revirement « d’inacceptable moralement et historiquement ». Quant à l’Espagne, Alger s’est toutefois décidé à ne pas réduire ou interrompre ses livraisons de gaz à Madrid.
La situation au Sahara occidental représente une réelle source de tensions entre le Maroc et l’Algérie. Ces deux Etats s’affrontent déjà sur de nombreux dossiers, notamment depuis le rapprochement entre le Maroc et Israël, celui-ci étant considéré comme un « ennemi » pour l’Algérie et avec qui elle n’entretient aucune relation diplomatique.
La priorité absolue est d’éviter qu’un conflit n’éclate dans la région. Ainsi, seuls les efforts diplomatiques permettront d’apporter une réelle solution pérenne pour le Sahara occidental et sa population. C’est en ce sens que les membres du Conseil de sécurité de l’ONU ont apporté leur soutien à Steffan de Mistura. Son rôle sera de poursuivre la médiation et la négociation politique entre le Front Polisario et le Maroc. Sa visite dans la région est en préparation , sans plus de précisions sur les lieux ou la date actuellement.